Pascal Rogard, le dg de la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques, a dévoilé les chiffres de perceptions et de répartitions 2014, et alerté sur les possibles atteintes au droit d’auteur par la Commission Européenne
La SACD révèle les grandes lignes de son bilan 2014. Pouvez-vous rappeler son rôle ?
La SACD est la plus ancienne société d’auteurs, elle a été créée en 1777 par Beaumarchais. Elle s’est d’abord occupée de défendre les auteurs de théâtre, c’est à dire d’aller percevoir leurs rémunérations auprès des théâtres et de les reverser, puis a étendu ses activités au cinéma, à la création audiovisuelle, la fiction et la fiction radio.
Quels sont vos résultats pour 2014 ?
Un tiers de nos recettes viennent du spectacle vivant, avec le théâtre, les arts de la rue, la danse, l’opéra, l’humour. Deux tiers des recettes viennent de l’audiovisuel. La perception est en progression, globalement de 216,7 millions d’euros en 2014 pour 215 M€ en 2013, en France, de 183 M€ d’euros contre 179 M€. 207 M€ ont été répartis en 2014, + 7% par rapport à 2013.
Avez-vous observé une particularité cette année?
Une légère baisse (-2%) de l’audiovisuel et une progression (+ 7%) du spectacle vivant. Cette progression s’est faite dans un contexte où nous avons repris en main nos outils de perception à partir du 1er juillet. Précédemment, les perceptions en province étaient faites par des délégués de la Sacem rémunérés au pourcentage par la SACD. La Sacem ayant dénoncé le contrat, nous avons estimé que nous devions assurer nos perceptions nous-même. Le bon résultat est lié pour la moitié de l’année au nouvel outil mis en place.
Quelle est la raison de la baisse des perceptions dans l’audiovisuel ?
C’est très compliqué de comparer d’une année sur l’autre, dans les sociétés d’auteurs, il y a souvent de forts rattrapages de droits, ce qui fut le cas en 2013. Il y a du fait de la crise, du nombre de chaînes, une diminution des recettes publicitaires ; les ressources du service public sont également en stagnation. Les nouveaux médias, les nouveaux opérateurs Internet qui apportent des droits, parce qu’il y a des contrats avec eux, ne compensent pas les diminutions de recettes des médias traditionnels.
Avez-vous constaté des évolutions liées à ces nouveaux médias ?
Il y a une très forte augmentation des œuvres qui rentrent dans nos systèmes informatiques pour l’audiovisuel. Beaucoup de formats courts apparaissent, c’est l’influence de l’Internet, des sites communautaires comme YouTube et Daily Motion. On commence à voir arriver les effets des sites de vidéos à la demande, par exemple par abonnement, qui permettent à des œuvres d’être disponibles et donc vues beaucoup plus longtemps qu’avec les programmations de télévision. Les recettes ne croissent pas fortement, mais il y a une sensible augmentation des œuvres diffusées, ce qui nous oblige à adapter rapidement nos outils informatiques pour continuer à être performants.
On redoute que l’Europe remette en cause certains aspects du droit d’auteur…
Ce qui pourrait être remis en cause c’est la territorialité. Le principe, c’est que lorsque lorsqu’un producteur cède des droits d’exploitation à une télévision, il les cède pour une empreinte territoriale. C’est ce qui permet un large financement du cinéma ou des œuvres audiovisuelles en Europe. La Commission conteste ce principe, au nom de la création d’un grand marché numérique. Nous pensons que cela ne profiterait qu’aux grands opérateurs internet qui ne sont pas européens. Elle le conteste aussi au nom de la défense des consommateurs, qui voudraient soit disant voir des programmes qu’on appelle « géo-bloqués », ce qui veut dire que s’ils voyagent ils ne pourraient plus accéder à leurs programmes habituels. Or cela ne concerne en réalité pas tellement les œuvres, mais des événements sportifs.
Qu’observez-vous à cet égard ?
Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, il y a des gens qui envisagent de baisser le niveau de protection de la création. L’Europe du droit d’auteur s’est toujours construite sur une très bonne idée de Jack Lang, qui était celle de l’auteur le plus favorisé. Chez Juncker, c’est le GAFA le plus favorisé !
Que souhaitez-vous pour France Télévisions ?
Le service public de télévision a besoin d’un nouvel élan, d’un nouveau souffle, d’un esprit de conquête, d’innovation. C’est fondamental pour la fiction française, le groupe France Télévisions représentant 60% de son financement. Nous sommes très attentifs au choix que fera le CSA.
Propos recueillis par Isabelle Hauw
http://www.lettreaudiovisuel.com/il-y-a-une-augmentation-sensible-des-oeuvres-diffuses/