LE TÉLÉPHONE MOBILE : LA BOTTE SECRÈTE D’HAVAS

Mardi, lors d’une intervention en Keynote au MipTV, Yannick Bolloré, le pdg du groupe Havas a révélé les clefs de sa vision stratégique aux professionnels de l’audiovisuel.

« Dans la publicité le seul bien que nous possédons, c’est la créativité », déclare, sourire aux lèvres, Yannick Bolloré, en introduction de son keynote au Mip.  Aujourd’hui elle s’appuie sur la personnalisation, car l’ère est au « Anytime, Anywhere, Any device ». Les marques souhaitent susciter l’engagement des  consommateurs, d’où la création de contenus «  brand content » vecteurs d’implication. Qui,  pour les créer, sinon une agence de pub, associée à l’édition de programmes évidemment? Unique sur le marché : Havas, fort de son compagnon Vivendi.

Yannick Bolloré émoustille la salle, truffée de représentants des sociétés de production, distribution, des programmes audiovisuels mondiaux. La valeur du mix marque-data et du profilage des mobi-spectateurs fait rêver. Faussement candide, il explique que, lors d’un déplacement à San Francisco, il s’était étonné d’avoir reçu, sur son smartphone, une publicité du restaurant d’en face proposant un de ses plats favori. Le fruit des données recueillies par Google. C’est alors que le pdg d’Havas a décidé de suivre les pas du géant des GAFA.

D’une phrase, il balaie la concurrence des sociétés de production, en rappelant que la démarche des agences de publicité est spécifique : « elles partent de ce que veulent les marques, et incluent des éléments de planning stratégique ». Quant à la télévision elle est reléguée au fond du salon. La question de concevoir pour l’ordinateur portable ou pour les smartphones ne se pose plus. Sortant son téléphone de sa poche, il illustre sa conception des campagnes : «  mobile first! ».

C’est sur la variété du profils de ses équipes, créatifs, spécialistes de la collecte et du traitement des données, que le dirigeant mise.  « Leur collaboration permet d’obtenir des  campagnes très intéressantes », se félicite-t-il, fier de l’expertise du groupe, le mix marque-data.  L’élite des ingénieurs français anime la chaire numérique Paris Dauphine-Havas-Collège de France : Havas maîtrise les technologies de pointe de la publicité personnalisée. Il vient à cet égard de conclure un partenariat avec Universal Music Group afin d’exploiter des données comportementales, vectrices de rentabilité pour l’industrie musicale.

Interrogé sur ses perspectives à long terme, Yannick Bolloré répond « je ne sais pas ce à quoi le monde ressemblera dans cinq ans ». Loin de redouter les évolutions disruptives il s’en réjouit  « nous les voyons  comme une opportunité ». S’il avoue qu’il lui est impossible d’avoir une vision précise à long terme, il pense que « le changement s’accélérera ». Les évolutions technologiques, et la profusion des start-up  favoriseront l’apparition de nouvelles plateformes, que les contenus vont devoir atteindre. C’est bien à la créativité que le monde des contenus va devoir faire appel. Et de conclure : « Never stop ! ». I.H.

Marketing / Numérique
Isabelle Hauw. Envoyée spéciale à Cannes.
Conférence Havas lors du MIP TV 2015.

 

Facebook, au cœur de la révolution digitale

Laurent Solly, dg de Facebook France, a exposé sa vision sur « le digital ou la révolution permanente », au Club audiovisuel de Paris

« Le numérique est certainement la révolution industrielle et sociale la plus importante, depuis les grandes révolutions du 20ème siècle. Elle est en train de structurer les sociétés et les grands marchés économiques », explique Laurent Solly. Le dg de Facebook France note les deux caractéristiques de cette nouvelle ère : son universalité, puisqu’elle touche tous les secteurs économiques et business models, et sa vitesse.

Quels sont les impacts sur le secteur audiovisuel ? Alors que la télévision était l’unique support de diffusion de l’image, on est passé à un monde multi-écrans: 6,7 écrans par famille en France. Le premier écran ne sera plus celui de la télévision mais le support mobile. Le public, connecté en permanence, a le choix de regarder les contenus où il veut, quand il veut, sur n’importe quel écran.

Le monde des médias est confronté à d’importants challenges. Il passe d’un monde linéaire à un univers multi-supports de plus en plus personnalisé. Les contenus sont détenus par un petit nombre d’ayants-droits qui font face à une intense fragmentation de la diffusion.

Pourtant, Laurent Solly considère le digital comme une chance pour l’audiovisuel. On entre « dans l’ère du marketing personnalisé à grande échelle ». Autant d’opportunités en matière de financement. La connaissance effective du public intéresse les annonceurs, qui souhaitent des informations de plus en plus précises. « Plus besoin de panels, nous pouvons mesurer instantanément l’impact d’un contenu » souligne-t-il. On arrive au règne de l’ultra-ciblage, de l’étude du comportement.

« Sur 20 millions d’utilisateurs de facebook, 15 millions le sont via mobile ». Le portable étant un écran personnel, le consommateur n’y accepte qu’un contenu idoine. Observant l’explosion de la consommation vidéo en ligne,  Laurent Solly invite à « considérer désormais l’audiovisuel comme un monde mobile ». Il avertit : « le numérique est une opportunité formidable, sous réserve d’appréhender sa vitesse et son impératif d’innovation ».  I.H.

Article suite au discours de Laurent Solly, dg de Facebook France, au dîner débat du Club audiovisuel de Paris, décembre 2014.

Facebook, au cœur de la révolution digitale http://www.lettreaudiovisuel.com/facebook-au-coeur-de-la-rvolution-digitale/

Comment dynamiser les performances des documentaires à l’export?

 

Les professionnels du documentaire se sont réunit lundi, lors d’une journée organisée par la SCAM et TVFI, pour réfléchir aux conditions de développement des exportations.

 « L’exportation est un enjeu pour le financement des investissements. Les recettes internationales représentent près de 12% des devis de production de documentaires, ce qui est vital pour cette activité », indique le président de TVFI, Xavier Gouyou Beauchamps. Rebondissant sur la réflexion d’Hervé Rony, dg de la Société civile des auteurs multimédia, qui pose « à titre un peu provocateur la question de la réflexion à une écriture dédiée », Yves Jeanneau, dg fondateur du festival Sunny Side of the Doc pointe la nécessité de penser à l’export en amont : « un film documentaire ne devient pas international à sa livraison, mais parce qu’il a été conçu pour ».

“Les délais de production, de réflexion des unités de programmes  freinent les coproductions », déplore Heidi Fleisher, développeuse de projets pour l’international. Dans la culture anglo-saxonne, Il est cohérent de proposer un projet à l’horizon de trois ans, mais les chaînes françaises prennent leur décision à moins d’un an. Or, la première chose qu’un acteur étranger demande est : « quel est votre diffuseur national  », souligne la documentaliste Marion Loizeau.

Quid des marchés d’avenir comme la Chine ? A l’heure actuelle les prix d’achat sont encore faibles, certains diffuseurs offrant de l’espace comme contrepartie. Cependant 3400 heures de documentaires ont été vendues par BBC Worldwide en 2012. Contrairement à de nombreux acteurs internationaux, qui « comme la BBC, proposent des programmes formatés à la demande, en mandarin et en cantonnais, nous ne disposons pas de bureaux à Pékin », indique Yves Jeanneau.

Le directeur du Sinny Side of the Doc propose le lancement d’un « observatoire des coproductions françaises », en Chine et au Brésil, et dénonce les dangers de la dispersion : « un acheteur chinois ne va pas traiter avec 65 vendeurs pour acheter 100 heures de documentaires français ». Mathieu Béjot, délégué général de TVFI, rappelle à cet égard qu’un des objectifs de sa plateforme numérique est de « simplifier le repérage des œuvres et l’envoi de fichiers aux acheteurs ».  Isabelle Hauw.

 

Article rédigé suite à une journée de débats à la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias).  

http://www.lettreaudiovisuel.com/comment-dynamiser-les-performances-des-documentaires-lexport/

TV : l’avenir est à la guerre des  contenus

Lundi, Gérald -Brice Viret était l’invité du dîner-débat du Club Audiovisuel de Paris sur le thème  « Nouveaux acteurs, nouveaux usages, quel paysage audiovisuel demain » ?

« Ceux qui prédisent la fin de la télévision ont tort, elle va bien », lance Gérald-Brice Viret, à ceux qui redouteraient la réalisation des prédictions du fondateur de Netflix. Reed Hastings a en effet annoncé la mort de la télévision linéaire.

Le directeur délégué du pôle télévision de Lagardère Active, président de l’ACCeS (Association des chaînes conventionnées éditrices de services), rappelle que les  grands groupes de chaînes françaises disposent de la trésorerie pour investir et faire face aux enjeux de demain. Il relativise l’impact des opérateurs internationaux de SVOD en comparant leurs offres à « celles des vidéos clubs, qui n’ont rien à voir avec celle de la télévision linéaire ».

Cependant comment envisager le futur, entre la gratuité de la télévision numérique terrestre, l’offre de télévision payante, et l’émergence de la vidéo ? Le spécialiste des médias désigne trois opportunités : la multiplication des écrans «  qui permet de consommer le média TV où on veut ». La télévision catch-up « qui permet au téléspectateur de rattraper un programme, mais permet aussi de rattraper un téléspectateur ». Enfin, les réseaux sociaux « qui donnent à tout le monde la possibilité de réagir à une émission, avec sa communauté ». Les phénomènes de «  buzz » permettent de donner de la visibilité à des programmes qui n’ont pas été suivis en direct par les téléspectateurs.

Gerald-Brice Viret pronostique le succès de chaînes « bien identifiées qui peuvent rassembler ». La ligne éditoriale est de nouveau au centre du jeu, le téléspectateur désirant savoir « ce qu’il trouve, où, et quand ». Il souhaite en terminer avec la fiction américaine, et encourage la création de nouveaux formats français. Les éléments qui permettront aux chaînes linéaires de se différencier à l’avenir sont «  la qualité, l’originalité et l’interactivité des contenus ». Gérald-Brice Viret conclut, optimiste : «  La guerre des tuyaux est terminée. Vive la guerre des contenus ! ».  I.H.


Article I.H. 2000 signes, pour La Lettre suite à l’allocution de Gérald-Brice Viret, président de l’ACCeS et directeur du pôle télévision de Lagardère

http://www.lettreaudiovisuel.com/tv-lavenir-est-la-guerre-des-contenus/

ITV de Pascal Rogard, dg de la SACD : « Chez Juncker, c’est le GAFA le plus favorisé ! »

Pascal Rogard, le dg de la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques, a dévoilé les chiffres de perceptions et de répartitions 2014, et alerté sur les possibles atteintes au droit d’auteur par la  Commission Européenne

La SACD révèle les grandes lignes de son bilan 2014. Pouvez-vous rappeler son rôle ?

La SACD est la plus ancienne société d’auteurs, elle a été créée en 1777 par Beaumarchais. Elle s’est d’abord occupée de défendre les auteurs de théâtre, c’est à dire d’aller percevoir leurs rémunérations auprès des théâtres et de les reverser, puis a étendu ses activités au cinéma, à la création audiovisuelle, la fiction et la fiction radio.

Quels sont vos résultats pour 2014 ?

Un tiers de nos recettes viennent du spectacle vivant, avec le théâtre, les arts de la rue, la danse,  l’opéra, l’humour. Deux tiers des recettes viennent de l’audiovisuel. La perception est en progression, globalement de 216,7 millions d’euros en 2014 pour 215 M€ en 2013, en France, de 183 M€ d’euros contre 179 M€. 207 M€ ont été répartis en 2014, + 7% par rapport à 2013.

Avez-vous observé une particularité cette année?

Une légère baisse (-2%) de l’audiovisuel et une progression (+ 7%) du spectacle vivant. Cette progression s’est faite dans un contexte où nous avons repris en main nos outils de perception à partir du 1er juillet. Précédemment, les perceptions en province étaient faites par des délégués de la Sacem rémunérés au pourcentage par la SACD. La Sacem ayant dénoncé le contrat, nous avons estimé que nous devions assurer nos perceptions nous-même. Le bon résultat est lié pour la moitié de l’année au nouvel outil mis en place.  

Quelle est la raison de la baisse des perceptions dans l’audiovisuel ?

C’est très compliqué de comparer d’une année sur l’autre, dans les sociétés d’auteurs, il y a souvent de forts rattrapages de droits, ce qui fut le cas en 2013. Il y a du fait de la crise, du nombre de chaînes, une diminution des recettes publicitaires ; les ressources du service public sont également en stagnation. Les nouveaux médias, les nouveaux opérateurs Internet qui apportent des droits, parce qu’il y a des contrats avec eux, ne compensent pas les diminutions de recettes des médias traditionnels.

Avez-vous constaté des évolutions liées à ces nouveaux médias ?

Il y a une très forte augmentation des œuvres qui rentrent dans nos systèmes informatiques pour l’audiovisuel. Beaucoup de formats courts apparaissent, c’est l’influence de l’Internet, des sites communautaires comme YouTube et Daily Motion. On commence à voir arriver les effets des sites de vidéos à la demande, par exemple par abonnement, qui permettent à des œuvres d’être disponibles et donc vues beaucoup plus longtemps qu’avec les programmations de télévision. Les recettes ne croissent pas fortement, mais il y a une sensible augmentation des œuvres diffusées, ce qui nous oblige à adapter rapidement nos outils informatiques pour continuer à être performants.

On redoute que l’Europe remette en cause certains aspects du droit d’auteur…

Ce qui pourrait être remis en cause c’est la territorialité. Le principe, c’est que lorsque lorsqu’un producteur cède des droits d’exploitation à une télévision, il les cède pour une empreinte territoriale. C’est ce qui permet un large financement du cinéma ou des œuvres audiovisuelles en Europe. La Commission conteste ce principe, au nom de la création d’un grand marché numérique. Nous pensons que cela ne profiterait qu’aux grands opérateurs internet qui ne sont pas européens. Elle le conteste aussi au nom de la défense des consommateurs, qui voudraient soit disant voir des programmes qu’on appelle « géo-bloqués », ce qui veut dire que s’ils voyagent ils ne pourraient plus accéder à leurs programmes habituels. Or cela ne concerne en réalité pas tellement les œuvres, mais des événements sportifs.

Qu’observez-vous à cet égard ?

Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, il y a des gens qui envisagent de baisser le niveau de protection de la création. L’Europe du droit d’auteur s’est toujours construite sur une très bonne idée de Jack Lang, qui était celle de l’auteur le plus favorisé. Chez Juncker, c’est le GAFA le plus favorisé !

Que souhaitez-vous pour France Télévisions ?

Le service public de télévision a besoin d’un nouvel élan, d’un nouveau souffle, d’un esprit de conquête, d’innovation. C’est fondamental pour la fiction française, le groupe France Télévisions représentant 60% de son financement. Nous sommes très attentifs au choix que fera le CSA.  

Propos recueillis par Isabelle Hauw

http://www.lettreaudiovisuel.com/il-y-a-une-augmentation-sensible-des-oeuvres-diffuses/