Didier Decoin, président du Festival International du Film de programmes audiovisuels, dont la 29ème édition vient de s’achever, à Biarritz, nous offre son regard sur la télévision
Didier Decoin, au début de votre carrière, jeune écrivain talentueux, qu’est-ce qui vous conduit vers l’image ?
Mon père, Henri Decoin, était cinéaste. Un jour il m’a demandé : « qu’est-ce que tu veux faire ? ». Je lui ai répondu, « Papa, c’est évident, je veux être comme toi ». Il faisait deux films et demi par an, alors que de nos jours il faut deux ans et demi pour préparer un premier film. Il m’a dit: « Surtout pas, j’ai connu l’âge d’or du 7ème art, tu ne connaitras jamais la facilité qui m’a été offerte. Ne fais pas de cinéma. Ecris pour le cinéma ! ».
C’est ainsi que vous être devenu scénariste …
Tout en étant romancier, j’ai décidé de penser aux adaptations. L’idée c’était de susciter les commandes de producteurs ou des réalisateurs. La première commande qui m’est advenue, c’était celle de Marcel Carné ! Le film s’appelait « La merveilleuse visite ». La bien nommée car les scénarii se sont enchaînés…
Qu’est-ce qui a guidé vos pas vers la télévision ?
Je me suis aperçu qu’écrire pour la télévision était très excitant. Hervé Bourges, alors pdg de France Télévisions, m’a appelé pour diriger la fiction. J’étais ravi, mais je ne savais même pas ce que cela voulait dire ! Lors de la première réunion de direction, j’ai indiqué que j’avais lu un mauvais scénario, trouvé sur mon bureau. « Decoin vous savez qui l’a écrit, c’est quelqu’un de très important » m’va-t-il sermonné. J’ai rétorqué « c’est très mauvais ». Il a alors lancé « je crois que je tiens un excellent directeur de la fiction ».
Vous avez travaillé longtemps pour France Télévisions …
En tant que directeur de la fiction, de 92 à 95. C’était une époque bénie. Quand Hervé Bourges m’avait engagé, Il m’avait donné carte blanche. Je lui avais affirmé « de toute façon, président, je ne fais pas carrière à la télévision vous savez ; si je ne suis pas content je m’en vais dans les dix minutes qui suivent ». Il avait ri, mais c’était vrai ! J’ai ensuite travaillé sous la présidence de Xavier Gouyou-Beauchamps, puis de Jean-Pierre Elkabbach. Elu à l’Académie Goncourt, j’ai quitté ces fonctions. On m’a alors demandé de présider une chaîne thématique dédiée à la fiction, filiale de France Télévisions, qui s’appelait, telle une prémonition, Festival…
Comment avez-vous été appelé à prendre la présidence du FIPA?
Laurent Heynemann, anciennement président du FIPA, m’a appelé : « Tu connais le FIPA. Ils n’ont plus de président, est ce que ça t’intéresserait ? ». Oh combien ! C’est le festival le plus intelligent qu’on ait inventé en télévision, en raison de son côté transgenre. Tous les reflets de ce qu’est la télévision, fiction, documentaire, reportages, séries, y sont représentés. C’est une rencontre internationale, ce qui est fondamental, car l’audiovisuel est mondial, global, il rayonne au travers du prisme de centaines de chaînes sur les satellites. Le Fipa réunit les deux versants, le versant artistique, auteurs, réalisateurs, et le versant diffusion, distribution.
Comment le FIPA a-t-il évolué, suite à votre arrivée, en 2012 ?
François Sauvagnargues, qui dirigeait la fiction à Arte, venait d’être nommé délégué général du Fipa. Nous avons souhaité donner une nouvelle envergure au festival. J’ai eu l’impression que le FIPA devenait ce que je voulais qu’il soit, à la fois un festival sérieux de télévision, et une fête.
Vous avez créé deux nouveaux départements, le Fipa Industry, et le Smart Fipa…
Oui, afin d’envisager l’avenir, de construire le futur. Le Fipa Industry est un espace réservé aux professionnels, un lieu de rencontres. Le Smart Fipa, c’est la télévision de demain, d’après-demain.
Qu’a apporté la 29ème édition du Fipa ?
Le Fipa 2016 a fait tout son possible pour que la télévision soit dans tous ses états. Etats avec un grand E parce que le Fipa n’est pas un microcosme, mais un macrocosme qui a su attirer tous les Etats du monde. Et avec un tout petit e, pour rappeler que la télévision sait jouer des six états d’âme que sont l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la tristesse et la joie. Qui, d’après Descartes, fondent un être humain, et sont la palette du créateur audiovisuel. Je suis fier, incomparablement fier, de travailler pour la télévision.
Propos recueillis par Isabelle Hauw. Envoyée spéciale à Biarritz, pour le FIPA. Interview publiée dans la Lettre.