Michel Drucker vient de recevoir le Laurier d’Or, consacrant son parcours, aux 20 ans des Lauriers de la Radio et de la Télévision. Il nous offre son regard sur 50 ans de carrière.
Vous venez de recevoir le Laurier d’Or. Comment accueillez-vous ce prix ?
Je connais le Club Audiovisuel de Paris, sous l’égide duquel ces prix sont attribués. Je suis ému, heureux de recevoir cette récompense. Il y a une notion de qualité qui m’importe, car l’image est l’audience de demain. Beaucoup de copains de la maison, France Télévisions, ont été récompensés par des prix. Dans la salle j’ai vu de nombreuses personnalités qui ont jalonné ma carrière, dont mon président actuel, Rémy Pflimlin. De surcroit ce Laurier d’or arrive à un moment particulier : la première fois que je suis physiquement apparu à la télévision, c’était le 14 janvier 1965. C’est mon trophée de cinquante ans de télé.
Vous fêtez vos cinquante ans de télévision…
Je n’arrive pas à l’intégrer. Cinq fois dix ans, vous imaginez. Ce sont beaucoup de doutes, beaucoup d’inquiétudes, avec le racisme de l’âge, le jeunisme. J’ai survécu à la ménagère de moins de 50 ans, j’ai vécu sans Médiamétrie, sans les sondages, avec des sondages, en noir et blanc, avec la couleur, avec la Haute Autorité, avec le CSA… J’en suis à mon quinzième patron, mon sixième Président de la République, ça commence à compter !
Allez-vous continuer à faire de l’antenne ?
C’est mon truc à moi, c’est ma drogue. J’ai une addiction à la télé, et une addiction au sport. Mais je crois que ce sont les gens qui me passionnent. C’est la chanson de Barbara : ma plus belle d’histoire d’amour c’est quand même le public. Si je suis là, c’est parce que les gens sont là, depuis trois générations, et à travers des émissions qui n’étaient pas évidentes à faire parce qu’en cinquante ans j’ai changé souvent avec de grosses prises de risques. Succéder à Jacques Martin, il y a quinze ans, on n’était pas nombreux à y aller !
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en télévision ?
C’est le téléfilm qui a été fait à partir de mon livre « Qu’est ce qu’on va faire de toi ? ». Avoir un biopic de son vivant c’est très troublant. Regarder un film qui retrace la première partie de votre vie, se voir en vrai en archives, à la fin du film, à 22 ans…
Quel est votre souvenir le plus marquant en matière d’animation ?
Ma première Coupe du monde, en 1970. Il fallait que je montre mon laissez-passer tout le temps, au stade Azteca à Mexico. A 26 ans, j’avais l’air d’un gamin, on se demandait : « mais à qui a-t-il piqué son laissez-passer ? ». J’en ai commenté cinq, c’est beaucoup, à raison d’une fois tous les quatre ans sur 20 ans. C’est mon souvenir le plus marquant. Et mon meilleur souvenir, c’est le prochain, c’est dimanche prochain !
Votre meilleur souvenir d’émission c’est Vivement Dimanche …
Champs-Elysées, c’est important quand même, Studio Gabriel également. J’ai appris qu’il y avait 5000 heures d’images et de son me concernant à l’INA, donc vous imaginez, s’il fallait faire le tri dans tous ça.
Pourquoi avez-vous choisi le service public ?
J’ai été très heureux de connaitre le privé. De retrouver à TF1, où j’ai travaillé 5 ans, un gamin que j’avais croisé dans mon enfance, sa mère m’ayant aidé pendant la guerre : Patrick Le Lay, l’ancien dirigeant du groupe. Mais c’est vrai, je suis un enfant du service public. Mon oxygène, la télévision que je fais, ne peut se faire que sur le service public. Parce qu’il y a moins d’exigences, le financement n’est pas que la publicité, donc c’est différent. J’y ai passé 45 ans sur 50 ans de carrière. Et j’ai fait 45 ans d’émissions soit le samedi soir soit le dimanche après-midi, je suis un homme du week-end !
Quel est votre idéal d’émission ?
J’essaie, suivant la formule de Jacques Chancel, de montrer aux gens ce qu’ils aiment et ce qu’ils pourraient aimer. Je prends le même soin à recevoir un grand écrivain, qu’à présenter un jeune chanteur populaire, qui peut devenir Michel Sardou ou Johnny Hallyday. J’ai le même plaisir à aider un film grand public qu’un film d’auteur. Je n’ai jamais fait de cloisons parce que j’ai été élevé dans ce bon mélange des genres, dès le début, quand on faisait Champs-Elysées. Quand j’avais 26 ans, lors des Rendez-vous du dimanche, je recevais aussi bien Simone de Beauvoir que Claude François. Mon souhait a toujours été de faire ca, d’avoir comme spécialité de ne pas en avoir, de ne surtout pas être dans un ghetto. C’est ce que j’ai essayé de faire…
Propos recueillis par Isabelle Hauw
Interview de 4300 signe, publiée dans la Lettre.
Février 2015.